Que sait-on de Julien Gracq ? Ce qui est dit le plus couramment de lui : c’est un grand écrivain et un maître de la langue, ce dont on se persuade aisément à le lire. Mais écrivain « à part » aussi, il a toujours eu horreur des feux de la rampe, en cela totalement à contre-courant d’une époque radicalement médiatique. Du coup, beaucoup n’ont vu qu’orgueil dans son refus du prix Goncourt en 1951, se méprenant sur le sens de son geste: l’invitation pressante faite aux lecteurs à revenir au texte et à juger d’abord par eux-mêmes de la valeur d’un livre. Cet écrivain si délibérément en retrait n’est pourtant en rien l’homme distant trop souvent décrit. Il n’a jamais fermé sa porte à quiconque, célèbre ou inconnu, venu échanger avec lui, à la seule condition qu’il ne soit question que d’écriture et de littérature. Ce numéro de 303, entièrement consacré à ce grand prosateur, croise le regard que des écrivains, des traducteurs, des visiteurs et des lecteurs portent sur cet auteur singulier et son œuvre, avec celui que Gracq lui-même porte sur son siècle, les paysages, les livres qu’il préfère.