C’est au XIIe siècle que la cheminée, succédant au foyer central sans conduit, s’impose. Aussitôt, tout un imaginaire symbolique se construit autour de cette ouverture vers les cieux, voie de communication entre la Terre et le Ciel, entre les hommes et les esprits.
Les croyances populaires en feront une rampe de lancement pour les sorcières, incapables de sortir par les portes et les fenêtres, ou une voie de pénétration dans les maisons : le Père Noël et la Befana des petits Italiens sauront s’en souvenir. Dans les contes, la littérature fantastique et le cinéma, la cheminée est souvent révélatrice des profondeurs de notre inconscient collectif, de nos aspirations ou de nos peurs secrètes.
Si elle reste purement utilitaire à la campagne, la ville et les châteaux la chargent rapidement de significations supplémentaires. Ainsi, à la Renaissance, la cheminée qui rassemble autour d’elle toute la maisonnée devient un signe extérieur de puissance : peinte, sculptée, blasonnée, elle se fait volontiers monumentale. À partir du XVIIIe siècle, elle est un symbole ambivalent de l’industrialisation : érigée vers le ciel comme pour en chasser les occupants, elle porte l’ambition des hommes et leur soif de dominer la nature. Le XXe siècle aura raison de cet orgueil, et nombre de cheminées d’usine seront jetées bas.
Le sens premier, et humain, du foyer peut alors être retrouvé dans l’acte fondateur de toute sociabilité : le partage du repas auprès d’un lieu magique et alchimique qui assure à la fois chaleur, protection et transformation des aliments. C’est peut-être autour de la cheminée que se rencontrent les dieux et les hommes.